Des enfants qui jouent pour apprendre mathématiques

Les Mathématiques Accessibles pour tous

« Un exercice que tu ne vas pas comprendre et que tu es sûre que tu vas avoir un zéro. » C’est la réponse donnée par Sarah, 9 ans, classe de 6ème au collège Jaques Amyot. À la suite de la question: « à quoi te font penser les mathématiques. » Les mathématiques ont souvent la réputation d’être une discipline complexe et intimidante, notamment pour les élèves en difficulté. Pourtant, il est possible de transformer cette matière en un outil accessible et motivant, qui parle à tous, quel que soit leur niveau. Dans cet article, nous explorerons des approches concrètes pour rendre les mathématiques accessibles à vos élèves. Que vous soyez enseignant ou parent, vous découvrirez des astuces pratiques pour simplifier les concepts, captiver l’attention, et développer chez vos élèves un véritable intérêt pour cette matière essentielle.

Les enfants aiment les maths les ados les détestent

Cette cassure, entre l’amour des maths dans les premières années et leur rejet au collège, n’est pas une fatalité. Mais elle soulève une question cruciale : qu’est-ce qui transforme les maths, de jeu créatif et amusant, en un véritable cauchemar pour tant d’élèves ?

Mathématiques accessibles avec la manipulation

Les mathématiques accessibles en maternelle

Les tout-petits découvrent les mathématiques sans même s’en rendre compte. Ils comptent leurs jouets, partagent des biscuits, et apprennent les formes et les couleurs grâce à des jeux. À cet âge, les maths sont concrètes, tangibles, et toujours associées au plaisir d’explorer le monde.

Selon une étude menée par Clements & Sarama et publiée dans le livre learning and teaching early math, les approches pédagogiques qui intègrent le jeu dans l’apprentissage des mathématiques accessibles dès la maternelle permettent d’ancrer des compétences fondamentales tout en suscitant une curiosité naturelle. Les enfants qui manipulent des objets pour apprendre les nombres développent une meilleure compréhension conceptuelle des mathématiques à long terme.

Exemple concret : Une comptine comme « 1, 2, 3, nous irons au bois » enseigne le comptage, mais aussi des notions implicites de séquence et d’ordre.

En maternelle, les maths ne sont jamais présentées comme un défi intellectuel ou une discipline rigide. Elles sont intégrées au quotidien, rendant leur apprentissage intuitif et gratifiant.

Les mathématiques au collège

Entre la classe de CM1 et le collège, quelque chose change. Les Mathématiques au collège cessent d’être une activité concrète et deviennent abstraites. Les élèves se retrouvent face à des concepts comme les équations, la trigonométrie ou les fonctions, souvent sans transition claire ni contexte pratique.

Les données issues d’une enquête Ipsos de 2023 montrent que 65% des élèves de collège considèrent les mathématiques comme leur matière la plus difficile, et près de 40% associent cette difficulté à un sentiment d’échec personnel.

Pourquoi une perception négative des maths ?

La perception négative des mathématiques, partagée par de nombreux élèves, trouve ses racines dans plusieurs facteurs liés à l’enseignement de cette discipline. D’abord, l’approche trop symbolique pose problème. Les élèves passent souvent trop rapidement de manipulations concrètes à des représentations abstraites (x, y, z), sans qu’on leur explique clairement le lien avec des situations réelles. Cette transition brutale, dépourvue de contextualisation, alimente un sentiment de déconnexion et d’inutilité.

Ensuite, la pression accrue exercée par les mathématiques en tant qu’outil de sélection exacerbe le rejet de la matière. Dans les systèmes éducatifs axés sur les concours et les examens, cette discipline devient une source d’anxiété plutôt qu’un espace d’apprentissage. Les élèves finissent par percevoir les mathématiques non pas comme un savoir à maîtriser, mais comme un obstacle à surmonter, amplifiant le stress et le sentiment d’échec.

Enfin, le manque de personnalisation dans l’enseignement aggrave les difficultés. Les méthodes standardisées, souvent centrées sur l’écriture et les démonstrations, négligent les besoins des élèves aux profils d’apprentissage différents. Comme les élèves à besoins éducatifs particuliers, notamment ceux avec des troubles ‘dys’ ou à haut potentiel intellectuel (HPI), qui nécessitent des approches pédagogiques adaptées à leurs profils spécifiques. Privés d’approches adaptées, ces élèves se retrouvent marginalisés, consolidant l’idée que les mathématiques sont une matière inaccessible pour tous.

Inégalités sociales et maths

Cette combinaison de facteurs rend les mathématiques intimidantes, contribuant à leur image négative et à la baisse de motivation des élèves en mathématiques.

Voici un exemple concret illustrant cette perception négative des mathématiques :

Paul, entre au collège avec une curiosité naturelle pour les sciences. Cependant, en sixième, il est confronté pour la première fois à l’algèbre : des inconnues comme x et y remplacent les manipulations concrètes auxquelles il était habitué en primaire. Lorsqu’on lui demande de résoudre : 2x+3=7, il n’a aucune idée de ce que représente réellement x, car l’enseignant n’a pas expliqué comment cette équation pouvait refléter une situation du quotidien, comme le partage équitable de bonbons entre amis.

Par ailleurs, Paul est dyslexique. Les nombreuses consignes écrites et l’utilisation de symboles compliquent sa compréhension. Malgré ses efforts, ses erreurs répétées lui valent des remarques négatives, ce qui diminue progressivement sa confiance en lui.

Au fil des années, la pression s’intensifie : les mathématiques deviennent un critère clé pour l’orientation scolaire, et Paul se sent dépassé. Les concours et examens mettent davantage l’accent sur des démonstrations rigides qu’il peine à suivre.

Enfin, l’absence d’une pédagogie différenciée aggrave sa situation. Bien qu’il soit un élève visuel qui comprend mieux avec des schémas et des représentations graphiques, les cours restent axés sur des explications orales et écrites. Paul, comme d’autres élèves à besoins spécifiques, se retrouve marginalisé, perdant peu à peu toute motivation à apprendre une discipline qu’il aurait pu aimer si elle avait été enseignée différemment.

Les maths, une discipline élitiste ?

Les mathématiques sont souvent perçues comme un domaine réservé aux élèves « doués ». Cette perception est renforcée par des discours populaires qui glorifient la complexité des maths et les associent à des talents innés.

Cependant, des recherches récentes, comme celles de Boaler (2022), soulignent que tout le monde peut réussir en maths si les approches pédagogiques sont adaptées. Boaler démontre que le cerveau humain est plastique et capable de développer des compétences mathématiques à tout âge, à condition d’adopter une mentalité de croissance (growth mindset).

Malheureusement, l’approche traditionnelle, basée sur la mémorisation et la performance, nuit à la confiance des élèves. Les erreurs, qui devraient être perçues comme des opportunités d’apprentissage, sont souvent stigmatisées.

« Les maths ne sont pas difficiles. Ce qui est difficile, c’est notre manière de les enseigner. »

Les mathématiques : un outil de sélection sociale

Les mathématiques, dans leur rôle actuel au sein du système éducatif, ne sont rien d’autre qu’un outil sournois de sélection sociale, destiné à maintenir une élite et à exclure systématiquement les élèves des milieux défavorisés ou moins académiques. Ceux qui défendent l’importance absolue des mathématiques avancées, sous prétexte qu’elles « structurent la pensée », s’accrochent à une vision élitiste et dépassée. Ce n’est pas la logique ou la pensée critique que l’on valorise, mais une conformité rigide à des normes arbitraires, conçues pour avantager les initiés.

Prenons les concours d’entrée dans les grandes écoles ou les filières prestigieuses. Évidemment, les mathématiques y occupent une place disproportionnée, non pas parce qu’elles seraient indispensables, mais parce qu’elles servent à réduire le nombre de candidats sous couvert d’objectivité. Cette obsession des maths n’a rien à voir avec le monde réel. Quel est le rapport entre résoudre une équation différentiellecomplexe et diriger une entreprise, gérer des ressources humaines ou exercer une fonction politique ? Aucun. Pourtant, ces concours continuent d’exclure ceux qui, malgré leur intelligence et leur potentiel, ne maîtrisent pas des concepts aussi inutiles qu’élitistes.

L’argument selon lequel les mathématiques renforcent la logique est également fallacieux. Comme le souligne Andrew Hacker dans son ouvrage : The Math Myth, cette discipline pourrait être remplacée par des enseignements plus pragmatiques, comme les statistiques ou la gestion financière, qui servent réellement dans la vie quotidienne. Combien d’élèves abandonnent leurs études simplement parce qu’ils ne peuvent pas surmonter une matière abstraite et déconnectée de leurs aspirations professionnelles ? Ces échecs ne sont pas le reflet d’un manque de talent ou d’intelligence, mais le résultat d’un système volontairement biaisé, conçu pour élever quelques-uns au détriment des autres.

Affiche de mathématiques accessibles

Solutions concrètes pour réconcilier les élèves avec les maths

Il est urgent de repenser l’enseignement des mathématiques. Voici quelques solutions concrètes, appuyées par des études récentes.

Utiliser des contextes pratiques

Beaucoup de chercheurs, comme Stella Baruk, plaident pour une approche réaliste des mathématiques, où les concepts abstraits sont toujours introduits à travers des situations concrètes. Dans son ouvrages échec et mathStella Baruk explore les causes des échecs en mathématiques et propose des approches pédagogiques axées sur le sens, en insistant sur l’importance de relier les concepts mathématiques à des situations concrètes et significatives pour les élèves.

Voici une liste d’exemples concrets illustrant des mauvaises pratiques et leurs alternatives en bonnes pratiques dans l’enseignement des mathématiques. 

Intégrer la technologie

Les outils numériques, comme les logiciels de géométrie Géogébra ou les langages de programmation (Scratch, Python), rendent les maths interactives et motivantes.

Cas pratique :

Un enseignant peut demander aux élèves de créer un programme en Scratch pour représenter graphiquement une fonction. Cette approche développe à la fois leur logique et leur créativité. Pour apprendre à coder avec Scratch 3, voici un coffret ludique et pédagogique avec 86 cartes illustrées

Valoriser les erreurs

Les erreurs sont essentielles pour apprendre. Selon Kapur (2016), la pédagogie basée sur le concept « d’échec productif » (productive failure) aide les élèves à comprendre les concepts plus profondément.

Favoriser la collaboration

Les mathématiques sont souvent perçues comme un exercice solitaire, mais elles peuvent être enrichies par le travail en groupe.

Exemple : Défi collectif :

« Imaginez que vous gérez un restaurant. Vous devez optimiser les coûts et les quantités d’ingrédients pour 50 couverts. »

Contexte pratique pour des mathématiques accessibles

Contexte pratique avec les fractions

  • Mauvaise pratique : L’enseignant demande aux élèves de simplifier 6/12 sans explication visuelle ni lien avec une situation réelle.
    • Conséquences : Les élèves mémorisent des règles mécaniques mais ne comprennent pas leur application.
  • Bonne pratique : L’enseignant utilise des parts de pizza ou de gâteau. Par exemple : « Si une pizza est coupée en 12 parts et que tu en manges 6, quelle fraction de la pizza as-tu mangée ? Peux-tu la simplifier ? »
    • Avantages : Les élèves visualisent le concept et comprennent son utilité dans la vie quotidienne.

Contexte pratique avec les équations du premier degré

  • Mauvaise pratique : Introduire 2x+5=15 comme un exercice isolé, sans contexte ni explication.
    • Conséquences : Les élèves perçoivent l’équation comme une suite de chiffres arbitraires sans lien avec le réel.
  • Bonne pratique : Donner un contexte : « Tu veux acheter 2 billets de cinéma. Les frais de réservation sont de 5 euros, et tu as dépensé 15 euros au total. Combien coûte un billet ? »
    • Avantages : Les élèves comprennent que x représente un prix réel, ce qui les motive à résoudre le problème.

Contexte pratique avec les fonctions linéaires

  • Mauvaise pratique : Introduire la formule y=ax+b et demander aux élèves de tracer la droite sans expliquer ce qu’elle représente.
    • Conséquences : Les élèves voient les graphiques comme des abstractions sans utilité pratique.
  • Bonne pratique : Relier à une situation concrète : « Un taxi coûte 5 euros pour la prise en charge, plus 2 euros par kilomètre parcouru. Combien coûtera un trajet de 10 km ? Représente la relation entre la distance et le coût sur un graphique. »
    • Avantages : Les élèves comprennent l’utilité des fonctions linéaires dans des situations réelles.

Contexte pratique avec les proportions et pourcentages

  • Mauvaise pratique : Poser des calculs directs comme : « Calcule 25 % de 200. »
    • Conséquences : Les élèves ne saisissent pas l’intérêt des pourcentages dans leur vie quotidienne.
  • Bonne pratique : Utiliser un exemple lié aux promotions : « Un magasin propose une réduction de 25% sur un article qui coûte 200€. Combien économises-tu ? Quel sera le prix final ? »
    • Avantages : Les élèves voient immédiatement l’utilité des pourcentages pour gérer leur budget.

Contexte pratique avec les statistiques

  • Mauvaise pratique : Fournir des données arbitraires et demander de calculer la moyenne, la médiane et l’écart type sans explication.
    • Conséquences : Les élèves trouvent l’exercice ennuyeux et ne comprennent pas l’utilité des statistiques.
  • Bonne pratique : Proposer un projet concret : « Une enquête a été réalisée pour savoir combien de temps vos camarades passent sur leur téléphone chaque jour. Calculez la moyenne, la médiane, et représentez les résultats sous forme de graphique. »
    • Avantages : Les élèves se sentent impliqués et comprennent comment les statistiques reflètent des phénomènes réels.

Contexte pratique avec les probabilités

  • Mauvaise pratique : Poser une question théorique comme : « Quelle est la probabilité de tirer une bille rouge dans un sac contenant 5 billes rouges, 3 vertes et 2 bleues ? »
    • Conséquences : Les élèves voient cela comme un simple calcul sans rapport avec leur quotidien.
  • Bonne pratique : Organiser une activité : « Imagine que tu participes à une tombola. Il y a 10 tickets, dont 3 gagnants. Si tu achètes un ticket, quelle est la probabilité de gagner ? »
    • Avantages : Les élèves comprennent comment les probabilités s’appliquent à des jeux ou des situations réelles.

Contexte pratique avec les volumes

  • Mauvaise pratique : Donner une formule comme V=πr2h et demander de calculer le volume d’un cylindre sans explication.
    • Conséquences : Les élèves mémorisent sans comprendre et oublient rapidement.
  • Bonne pratique : Utiliser une situation concrète : « Tu veux remplir un verre cylindrique de 10cm de hauteur et 5 cm de diamètre. Combien d’eau peut contenir le verre ? »
    • Avantages : Les élèves visualisent et appliquent les mathématiques à des objets de leur quotidien.

Les suites arithmétiques ou géométriques

  • Mauvaise pratique : Poser une suite sans contexte, comme : « Trouve le 10e terme de la suite définie par Un=3n+2. »
    • Conséquences : Les élèves peinent à comprendre l’intérêt des suites.
  • Bonne pratique : Relier les suites à une épargne : « Tu mets 50€ sur ton compte bancaire chaque mois, sans toucher à l’argent. Combien auras-tu économisé après un an ? Après deux ans ? »
    • Avantages : Les élèves voient comment les suites s’appliquent à la gestion financière.

La trigonométrie

  • Mauvaise pratique : Demander de résoudre un triangle en utilisant le sinus ou le cosinus sans expliquer à quoi cela sert.
    • Conséquences : Les élèves se sentent perdus et voient cela comme inutile.
  • Bonne pratique : Proposer une activité liée au réel : « Tu veux mesurer la hauteur d’un lampadaire sans échelle. Si tu sais que tu te tiens à 5 mètres de la base et que l’angle de ton regard avec le sommet est de 30°, quelle est la hauteur du lampadaire ? »
    • Avantages : Les élèves comprennent comment la trigonométrie est utilisée pour résoudre des problèmes pratiques.

Ces exemples montrent comment des adaptations simples peuvent transformer un cours de mathématiques en une expérience significative et engageante.

Faut-il être bon en maths pour réussir ?

L’un des principaux freins à l’apprentissage des maths est l’idée qu’elles sont indispensables pour réussir dans la vie. Pourtant, cette affirmation est nuancée.

  • Dans un article publié en 2023, Rosenberg et al. montrent que si les compétences mathématiques de base (calcul, proportions) sont cruciales dans la majorité des métiers, les concepts avancés (équations différentielles, trigonométrie) ne sont réellement nécessaires que dans moins de 20 % des professions.

Cela ne signifie pas que les maths avancées sont inutiles, mais qu’elles devraient être enseignées différemment. Comme une discipline qui stimule la logique, la créativité et la persévérance, plutôt que comme un outil de sélection.

« Les maths ne sont pas là pour éliminer, mais pour émanciper. »

Recréer l’étincelle. Réconciliation élèves maths

Réconcilier les élèves avec les mathématiques n’est pas une tâche facile, mais c’est une mission essentielle. En rendant les maths concrètes, accessibles et valorisantes, nous pouvons redonner aux élèves cette étincelle qui brillait dans leurs yeux en maternelle.

Et si nous transformions nos salles de classe en terrains de jeu mathématique, où chaque erreur est une opportunité, et chaque réussite, une fête ?

La question n’est pas de savoir si les élèves aiment ou non les maths. La véritable question est : que faisons-nous pour qu’ils les adorent à nouveau ?

Et vous, quelle a été votre expérience avec les maths ? Comment pensez-vous qu’on pourrait les rendre plus accessibles à tous ?

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1 commentaire

  1. Merci pour cet excellent article ! De formation scientifique, j’ai toujours aimé les maths et je n’ai jamais eu de problèmes pour m’intéresser a cette discipline car j’avais la soif d’apprendre. Mais je peux parfaitement comprendre que ça n’intéresse pas tout le monde et je partage ton avis sur les méthodes d’enseignement des maths.

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